Interview du Dr. Annelise Demantke et Dr. Véronique Dexemple – La perte d’audition chez les personnes âgées

Pourquoi l’audition est-elle un enjeu crucial chez les personnes âgées ? 

La perte auditive touche une grande majorité des personnes âgées, avec des sévérités variées. Ses répercussions sur la qualité de vie sont majeures : isolement social, souffrance psychologique, voire état dépressif. En effet, la difficulté à suivre une conversation, notamment en collectivité, peut être à l’origine de frustration, de stress et de fatigue, conduisant parfois même à des troubles du comportement et à une détérioration de l’autonomie. 
 

Comment sont repérés les premiers signes de la perte auditive et quels rôles jouent les familles et les soignants ? 

Les proches, les équipes soignantes et les professionnels paramédicaux jouent un rôle essentiel dans la détection des troubles auditifs. Ils peuvent repérer des signes évocateurs tels que l’augmentation du volume sonore (télévision, radio) ou lorsqu’on leur parle, les demandes fréquentes de répétition ou encore des réponses incohérentes aux questions posées. Ces petits indices sont souvent sous-estimés par la personne concernée, qui banalise ses difficultés, les familles, doivent alors se montrer vigilantes et oser aborder le sujet avec bienveillance, en incitant l’aîné à consulter ne serait-ce que pour réaliser un bilan auditif.  

En Ehpad, un examen clinique systématique du résident (le bilan gériatrique) est réalisé à l’entrée et annuellement par le médecin coordonnateur, il permet de dépister les troubles de l’audition.  

Les soignants, grâce à leur proximité quotidienne avec les résidents et à leur formation spécifique, peuvent rapidement alerter le médecin coordonnateur, l’ORL ou orienter vers un centre auditif. 
 

Quelles solutions existent pour compenser les pertes auditives ? 

Les solutions varient selon l’origine et le degré de la perte auditive : aides auditives (prothèses adaptées, implants), aménagements d’espaces (pièces moins bruyantes), téléphones amplifiés ou dispositifs spécifiques tels que des casques adaptés pour les télévisions.  
Le port d’aides auditives bien adaptées et accompagné par les soignants et les familles améliore significativement la qualité de vie. À l’EHPAD Korian Saint-Charles, par exemple, un résident atteint de troubles cognitifs et de perte auditive parvient à retrouver ses repères et une certaine sérénité dès qu’il porte ses appareils auditifs, car ils contribuent à apaiser son agitation et ses angoisses. 
 

Quels obstacles freinent la prise en charge et l’adoption de solutions, comment les surmonter ?

Le principal frein reste l’accès aux consultations ORL, souvent compliqué pour des résidents rencontrant des difficultés à se déplacer, et seul moyen de bénéficier d’un dépistage auditif approfondi (audiogramme) et d’une prescription de prothèse auditive. En ce qui concerne le port des prothèses, leur adoption se heurte souvent à d’autres types de freins : le coût parfois élevé, la crainte esthétique ou pratique (peur de ne pas savoir utiliser l’appareil, crainte de perte ou de casse) surtout chez les personnes avec des troubles cognitifs, la charge mentale supplémentaire que cela représente. Ces freins sont amplifiés par un déficit d’information et d’accompagnement. Pourtant, la situation a évolué ces dernières années grâce à la réforme du 100 % Santé. Mise en place progressivement entre 2019 et 2021, elle permet désormais à toute personne ayant besoin d’une aide auditive de bénéficier d’un équipement entièrement pris en charge, sans reste à charge, à condition d’opter pour les modèles inclus dans le « panier 100 % Santé ». Par ailleurs, il existe aujourd’hui des assurances spécifiques en cas de perte, de casse ou de vol des prothèses, proposées par certains fabricants ou complémentaires santé qui favorisent une adoption plus sereine de ces aides. 
 

Auriez-vous un message à transmettre aux familles ? 

 Il ne faut pas attendre que les troubles auditifs deviennent trop gênants, soyez attentifs aux signes tels que le son de la télévision trop fort, les demandes fréquentes de répétition, ou encore des réponses décalées, par exemple. N’hésitez pas à aborder le sujet avec bienveillance, il ne s’agit pas d’une fatalité liée à l’âge, et il existe des solutions adaptées. Discutez-en avec votre médecin traitant ou l’équipe soignante de l’EHPAD, pour envisager un bilan auditif et, si besoin, un appareillage progressif et accompagné.

En cas de doute ou de premiers signes, il est possible d’accéder à des tests en ligne, afin d’avoir une première évaluation de l’audition. Le site de l’assurance maladie ameli en conseille d’ailleurs deux :

1. Le test Hora
2. Le questionnaire “Hearing handicap inventory for the elderly screening” HHIE-S pour la presbyacousie du sujet de + 60 ans 

Ces tests ne remplacent pas l’audiogramme pratiqué chez un ORL mais ce sont des outils de prévention et de repérage précoce, avant d’organiser une consultation chez un ORL.